Hommage à Sirocco…


Il y a des rencontres que la vie nous propose et qui changent notre existence.

Il y a 21 ans, j’ai croisé le chemin et le regard d’un étalon espagnol rouge brun qui a transformé au fil des ans, l’être que je suis... le coup de foudre. La flèche qui transperce, sans savoir, sans comprendre...
Miroir surpuissant l’un de l’autre, nous nous sommes rencontrés avec une identité commune : celle de la force, de l’élan vital, du combat, de l’âme guerrière... voilà qui était Sirocco, et voilà qui j’étais... lui un cheval fougueux, peureux, tempétueux et obstiné, moi une amazone en quête de vérité et de sens, pleine de rêves, de doutes et de hargne aussi... mon alter égo en masculin-équin.
Le chemin a été long, puissant, authentique, violent parfois, afin que l’on puisse se reconnaître à travers le cœur et l’âme, là où tous les doutes se dissipent instantanément, et pour toujours.
(J’en dis quelques mots ici).

Dans un couple fait d’or et de terre, de matière d’amour pur, de sensibilité et d’engagement, j’aime penser que nous signons implicitement un Contrat d’Élévation.
Ce contrat permet à soi de grandir à travers l’autre, à l’autre de se transformer à travers soi, au NOUS de s’élever ensemble vers la lumière et guérir de nos ombres et blessures communes... c’est le contrat que nous avons signé ensemble.

Partir à ta rencontre, c’était partir à ma rencontre. C’était accepter de lâcher, faire confiance, observer, écouter, se respecter... s’aimer.
C’était transcender notre simple histoire pour guérir des mémoires ancestrales, de toi, de moi, du pacte de domestication qui unit l’Homme et le Cheval depuis des milliers d’années.

Je réalise petit à petit le chemin parcouru : nous nous sommes offerts de rencontrer notre propre Source. Faire éclore le papillon de sa chrysalide, transformer le chemin de combat en chemin de Foi, libérer l’âme guerrière vers un espace nouveau de paix intérieure.
Ma vie avec toi a été un chemin dessiné d’Amour, de bonheur, d'ivresse, de liberté, de remise en question, de transformation, de sagesse, d’instants présent, de vérité...

Tu m’as offert d’être qui je suis, aujourd’hui et pour toujours,
Tu m’as offert la connexion, la communion, la relation inter espèces qui crée l’alliance qui ouvre et dépasse nos propres limites,
Tu m’as offert en traversant les Pyrénées avec Toi, la rencontre avec l’Ariège, ma terre d’accueil,
Tu m’as offert d’avoir le courage et l’ambition de réaliser un grand rêve de ma vie : EquiTerre, lieu d’accueil, de ressources et de partages pour les chevaux et les humains,
Tu m’as offert la flamme pour accompagner et vivre avec un troupeau libre, et d’y trouver ma juste place, grâce à la tienne qui n’a jamais changé du premier au dernier jour,
Tu m’as offert d’espérer que l’Homme est plus grand sur un cheval, à condition qu’il garde les pieds sur Terre, le cœur ouvert, et l’esprit humble...

Samedi 24 août, je suis à Montbel et je me réveille au bord du lac. Steph est avec moi. Je te vois apparaître sur le bord de la plage, loin là-bas, je te reconnais... vision sublime et magnifique de toi seul, face au lac, les Pyrénées protectrices en toile de fond... le soleil se lève. C’est tellement beau, je pense à cet instant à ma famille de cœur Amérindienne en Arizona, j’aimerais leur offrir ce paysage...
C’est dans cette beauté absolue que tu as décidé de partir... tu es là immobile, le regard fixé sur nous au loin... une fracture à l’antérieur t’empêche de te déplacer normalement... la vie décide que c’est maintenant que tout s’arrête. J’entends le son de ta voix me répéter très clairement toute la journée : « Je peux partir maintenant. Tu es prête à continuer le chemin sans moi... »
Accepter de te dire au revoir alors que je ne suis pas prête... te laisser rejoindre l’infini et le vent ? L’est-on un jour vraiment ?...

Je ne sais pas, je ne sais plus ce qu’est vivre sans toi. Qui suis-je ? Comment faire, après 21 ans de vie commune, exactement la moitié de ma vie ?... Tu es partout, sur terre, dans les airs, dans chaque cheval du troupeau qui me rappelle à toi... tu es l’être le plus proche de ma veine jugulaire et de mes alvéoles pulmonaires... je n’ai aucune idée de la nouvelle femme-cheval que je vais rencontrer en ton nom.
Une chose est sûre : tu es là et bien là. Plus que jamais oserais-je dire ?
Je connais (un peu trop ces derniers temps...) l’espace de connexion à l’invisible, et afin de tenir le cap pour supporter sa peine, le seul chemin possible pour accepter la perte : celui où la beauté de la vie vibre en toute chose...

Mes visites dans le troupeau sont d’une intensité nouvelle et très particulière. Lorsque j’appelle avec ma voix, j’entends ton hennissement sortir de ma gorge qu’ils semblent tous reconnaître. Chaque cheval vient un par un me connecter, te retrouver... émotion pure du cycle traversé dans sa totalité.

Il y a des rêves dont on ne se réveille jamais.
Mon rêve c’est mon cheval.

Sirocco, ceci n’est pas un dernier hommage mais bel et bien le premier, d’un long cycle de gratitude, qui se manifestera tant que mes yeux et mon cœur seront en vie, à chaque lever et à chaque coucher du soleil sur cette Terre...

ELISE.